Connaissance sur le comportement et la biologie des requins
Contenu
Les requins
Les requins sont des espèces emblématiques représentées par 400 à 500 espèces dans le monde. A La Réunion, une trentaine d’espèces ont pu être recensées (Letourneur et al. , 2004 ; Fricke et al., -2009).
Certaines espèces sont évoquées lors des attaques (parfois mortelles) d’usagers des eaux littorales. Ainsi, entre 1980 et 2011, une quarantaine d’attaques de dangerosité variable ont été recensées soit en moyenne une attaque par an (Vangrevelynghe 1994, Landron 2006).
Malgré les dangers potentiels et la nécessité d’améliorer la prévention des risques, cette faune tant dans les eaux réunionnaises que dans est l’Océan Indien est très peu connue. Les seuls travaux de recherche dans l’ouest de l’océan Indien, trouvant des applications dans le domaine de la gestion du risque requins, ont été menés en Afrique du Sud (Cliff and Dudley, 1992, 2011 ; Dudley, 1997).
Le requin tigre (Galeacerdo cuvier ) est l’un des plus grands requins fréquentant les eaux réunionnaises, il peut atteindre 5 m de long. Les requins tigre sont solitaires et nomades. Ils sont rencontrés régulièrement près des accores des récifs même s’ils sont capables d’effectuer des déplacements trans-océaniques. Requin ovovipare, il donne naissance à 8 ou 10 petits en moyenne mais pouvant aller jusqu’à 80 (Compagno, 1984 and Last & Stevens 2009), d’une taille de 60 à 80 cm après 15-16 mois de gestation. L’âge à la première maturité est de 9 ans. Il est omnivore et présente un comportement de charognard marqué qui n’est pas retrouvé chez les autres espèces de requin (Heithaus et al., 2002 ; Simpfendorfer, 2001). Ce requin est classé espèce à risque faible en terme de vulnérabilité dans la liste de l’IUCN.
Le requin bouledogue (Carcharhinus leucas ) est l’une des rares espèces de requins pouvant vivre temporairement en eau douce saumâtre. Il peut remonter très loin les cours d’eau et fréquente les eaux troubles des embouchures des rivières. Il peut atteindre 3,5m de long. C’est une espèce décrite comme sédentaire. Requin vivipare avec une période de gestation d’un an, les femelles donnent naissance à 13 juvéniles en moyenne d’environ 70cm. L’âge à la première maturité est compris entre 8 et 10 ans. Son alimentation est composée de poissons, oiseaux, tortues, oursins, mollusques. Il est classé espèce à risque faible en termes de vulnérabilité dans la liste de l’IUCN.
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Projet Connaissances de l’écologie et de l’HAbitat de deux espèces de Requins Côtiers sur la côte Ouest de la Réunion (CHARC)
L’Etat et le Conseil régional ont confié à l’IRD (Institut de recherche pour le développement), le pilotage du projet CHARC : « Connaissances de l’écologie et de l’HAbitat de deux espèces de Requins Côtiers sur la côte Ouest de la Réunion », en partenariat avec les principaux organismes scientifiques compétents de l’île (notamment IFREMER, CRPMEM, Université/ ECOMAR, KELONIA), des structures associatives (GLOBICE, SQUAL’IDEES), et en lien avec des organismes de recherche à l’étranger (Afrique du Sud, Seychelles, USA (Floride)). Elle porte sur la connaissance du comportement et l’écologie des requins bouledogues et tigres. L’Etat a confié à l’association Squal’idée les opérations de marquage préliminaire à la mise en place du programme CHARC dès novembre 2011.
S’appuyant sur près de 80 marquages acoustiques et sur les observations sous-marines par vidéo, le projet CHARC permet le suivi de plusieurs dizaines de requins tigres et bouledogues. Il établira une corrélation fine entre la présence ou le comportement de ces animaux, et les facteurs du milieu : turbidité ; courants ; réserve ; DCP ; pollution, biomasse…Il concerne la côte Ouest de La Réunion. Il s’étale sur une durée de trente mois, en deux phases et a démarré en octobre 2011.
Opérations de marquage du 29 novembre 2011 au 18 avril 2012 conduite par l’association Squal’idée
La phase d’observation préliminaire des requins tigre et bouledogue a été signée par convention entre la DEAL et l’association Squal’idée pour un montant de subvention de 42000 euros. Elle a permis de capturer 32 requins. Vingt requins dont 8 bouledogues et 12 tigres ont été marqués avec des marques acoustiques placées dans la cavité générale des requins ou en externe pour un requin. Dix stations d’écoute (VR2W Vemco) ont été déployées le 21 décembre 2011 entre le Port de Saint-Gilles et la baie de Saint-Paul. Le déroulement des opérations de marquage a été satisfaisant : il a été démontré que les deux techniques de marquage (interne et externe) étaient efficaces, et les résultats obtenus ont montré que la méthode de marquage acoustique est appropriée pour suivre le comportement de ces animaux. Les équipes de pêche et de marquage étaient désormais opérationnelles.
Résultats de la première phase de CHARC
Une première phase de cette étude a été signée par convention entre la DEAL et l’IRD en novembre 2011 pour un montant de subvention de 140.000 euros et pour une durée de 6 mois. Cette phase a permis de :
- produire une synthèse bibliographique des études réalisées sur la biologie et l’écologie du requin bouledogue (Carcharhinus leucas) et le requin tigre (Galeacerdo cuvier) sur la base de 125 publications et rapports.
- tirer des premières conclusions à partir de l’étude statistique des données historiques des attaques à La Réunion depuis 1980 et mettre en place une base de données « officielle » des attaques, la base CHARC. 36 attaques de requins ont été répertoriées tout autour de l’île de La Réunion entre 1980 et 2011, avec des pics en 1992 (4 attaques), en 1997 (3), en 2006 (3) et en 2011 (6). Si le nombre d’attaques par décennie a augmenté entre 1980 et 1992, il est resté stable entre 1992 et 2011 et le nombre de cas mortels a diminué. Par ailleurs, les données n’ont pas révélé de lien entre les attaques et les anomalies de température à l’échelle de l’Océan Indien, les phases lunaires, les marées, avec les distances moyennes aux cages aquacoles, aux dispositifs de concentration de poissons (DCP) ou à la réserve marine, ni avec les tonnages de pêche. L’augmentation du nombre d’attaques de surfers (impliqués dans plus d’un événement sur deux par an en moyenne) semble refléter l’augmentation démographique, du nombre de pratiquants, en particulier en zone urbaine. Par contre, d’autres facteurs semblent jouer un rôle dans les attaques, comme par exemple la turbidité (baisse de la transparence de l’eau résultant de l’apport massif de matières transportées depuis les bassins versants, de la mise en suspension de cette matière et des matériaux déjà présents transportés par la houle), la qualité des eaux et l’apport en matière organique qui enrichit globalement le milieu .
- Mettre en place l’architecture de la base de données CHARC
- tester les systèmes et les protocoles d’observations visuelles sous-marines envisagées pour le programme CHARC. Les 175 heures d’images acquises en 28 jours d’observation ont montré que les cages aquacoles sont une zone de passage pour les requins bouledogues, et non une zone de repos ou de prédation.
- mettre en place un protocole d’identification des espèces et de formation des pêcheurs,
- acquérir et tester une partie de l’équipement nécessaire pour le programme CHARC
- faire évaluer le programme le programme CHARC par un expert indépendant : François GERLOTTO, ancien Directeur de Recherche à l’IRD, expert en halieutique et en écologie marine, ancien membre du CIEM (Conseil International pour l’Exploration de la Mer). Ce dernier a noté la grande qualité et l’originalité du programme présenté lié à la diversité des intervenants et à la complémentarité des méthodes employées. A son avis, ce programme représente la seule réponse possible au niveau scientifique. Enfin, il déclare que des résultats scientifiques majeurs peuvent être attendus de l’étude.
Deuxième phase du projet CHARC
Objectifs
La deuxième phase de l’étude est cofinancée par l’Etat, la Région et un financement FEDER sur la mesure 3.21. L’enveloppe totale de cette étude représente 697.389 euros, dont 150 000 euros apporté par la DEAL, 150 000 euros apporté par la Région, 100 000 euros apporté par l’IRD et 297 389 euros apporté par les Fonds européens FEDER. La durée intiale prévue est de 30 mois, soit du 1er janvier 2012 au 30 juin 2014.
L’étude vise à :
- caractériser l’habitat des requins bouledogue et tigre sur la côte ouest de l’île en étudiant simultanément les comportements d’animaux marqués (80) et la structuration de cet habitat. Des marques acoustiques, sont implantées dans les animaux et suivies par un réseau de stations d’écoute ou par “tracking”. La structuration de l’habitat est mesurée d’une part en cartographiant les structures géomorphologiques et/ou singulières présentes dans la zone (réserve marine, dispositifs de concentration de poissons ou DCP, cages de la station aquacole de la SAM, passes, plages ouvertes à fortes turbidités et estuaires ou ravines) et d’autre part, en mesurant les variations des conditions du milieu (courant, turbidité, etc…) et la présence des autres espèces de l’écosystème (tortues marines, baleines, etc.). La fréquentation humaine est également recensée.
- étudier la génétique des populations et l’écologie trophique (comportement alimentaire) de ces espèces. L’étude sera complétée par des suivis des trajets de migration grâce à l’utilisation de marques archives (marques électroniques auto-largables) permettant de suivre les parcours empruntés par les animaux sur des longues distances. Cette approche globale est essentielle pour estimer le taux de renouvellement des populations locales.
Avancement
A ce jour, 81 requins ont pu être marqués. Les requins ont été capturés par trois navires de pêche traditionnelle mandatés par l’IRD, une balise émettrice a été implantée à l’intérieur de l’abdomen de l’animal, qui est ensuite relâché. La balise va émettre en direction de stations d’écoute installées sur différents sites de la côte sud-ouest de l’île. Le relevé périodique des enregistrements de stations d’écoute permet de mesurer la fréquence de passage des requins marqués, d’estimer leurs temps de présence sur chaque site et ainsi de mieux connaître leurs déplacements.
46 stations d’écoute ont été déployées (dont 4 hauturières). Elles ont fait l’objet de relevés en avril, novembre 2012 et mars 2013.
En parallèle, 10 sondes (mesure des paramètres environnementaux) ont également été déployées, et quarante images satellites capturées. 80 survols aériens en ULM pour comptage des tortues et fréquentation des plages ont été effectués pendant un an et 11 tortues ont été équipées de balises Argos puis suivies pendant 6 mois depuis décembre 2012. Des prélèvements d’échantillons ont également été obtenus pour les études génétiques avec quelques difficultés pour obtenir les échantillons d’autres pays.
Un premier groupe de travail ressemblant l’ensemble des partenaires du programme CHARC et des programmes associés s’est tenu le 3 avril 2013 pour faire un point d’étape sur l’avancement du programme.
Un Comité de Pilotage de CHARC de restitution des résultats de ce groupe de travail s’est tenu le 31 mai 2013. Une attention particulière a été portée à la bancarisation des données issues de CHARC.
Des restitutions régulières des avancées du projet ont lieu en CO4R. |